mardi 18 mai 2010

Bouvard et Pécuchet

-"Quant à l'Évidence, niée par l'un, affirmée par l'autre, elle est à elle-même son critérium. M. Cousin l'a démontré".
- « Je ne vois plus que la Révélation » dit Bouvard. « Mais pour y croire il faut admettre deux connaissances préalables, celle du corps qui a senti, celle de l'intelligence qui a perçu, admettre le Sens et la Raison, témoignages humains, et par conséquent suspects. »
Pécuchet réfléchit, se croisa les bras. - « Mais nous allons tomber dans l'abîme effrayant du scepticisme. »
Il n'effrayait, selon Bouvard, que les pauvres cervelles.
- « Merci du compliment ! » répliqua Pécuchet. « Cependant il y a des faits indiscutables. On peut atteindre la vérité dans une certaine limite. »
- « Laquelle ? Deux et deux font-ils quatre toujours ? Le contenu est-il, en quelque sorte, moindre que le contenant ? Que veut dire un à-peu-près du vrai, une fraction de Dieu, la partie d'une chose indivisible ? »
- « Ah ! tu n'es qu'un sophiste ! » Et Pécuchet, vexé, bouda pendant trois jours.
Ils les employèrent à parcourir les tables de plusieurs volumes. Bouvard souriait de temps à autre - et renouant la conversation :
- « C'est qu'il est difficile de ne pas douter ! Ainsi, pour Dieu, les preuves de Descartes, de Kant et de Leibniz ne sont pas les mêmes, et mutuellement se ruinent. La création du monde par les atomes, ou par un esprit, demeure inconcevable.
(...)
- « Effectivement ! » dit Pécuchet.
Et tous deux s'avouèrent qu'ils étaient las des philosophes. Tant de systèmes vous embrouille. La métaphysique ne sert à rien. On peut vivre sans elle.
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